Vanter les mérites de la privatisation ou de la mise aux pas des chemins de fer français est une vieille habitude :
les autres pays de même niveau que la France se débrouilleraient mieux que nous, assureraient un meilleur service pour des voyages plus agréables.Le média Contrepoints connu pour ses sympathies libérales enfonce ainsi le clou en vantant les mérites des trains japonais qui auraient été repris en main et pu revenir sur les chemins de la qualité, la ponctualité et du profit après un passé de retards, déficits, grèves etc...
En fin d'article : Les cheminots français sont ils vraiment trop avantagés financièrement par rapport à ceux du privé?
J'ai parcouru des centaines de km avec les chemins de fer japonais à plusieurs reprises ces dix dernières années et ils sont aussi pour moi le mètre étalon en terme de qualité, de ponctualité, de service au voyageur.
En grande vitesse 2ème classe Japan Rail (nationaux privatisés en 1987) les conditions de voyages sont déjà d'un luxe ahurissant pour les français :
- Les personnels sont nombreux en gare et en wagon,
- les rames sont nettoyées à chaque voyage ou souvent à chaque arrêt Shinkansen avec ramassage identifié des objets égarés
- la ponctualité est hallucinante : ( 9mn totalisées par jour en local, 30secondes par voyage en TGV),
- chaque porte de wagon est au même endroit du même quai à chaque arrêt,
- en 2ème classe, il y a de la place pour les jambes et les sacs, on voyage toujours dans le sens de la marche
- les bagages en tête de voiture sont protégés par antivol fixe et souvent un personnel surveille les montées et descentes,
- les toilettes sont dignes d'un palace (dont des espaces lavabo verrouillables séparés)
- un service de transport d’enlèvement chez soi et de livraison des valises en 24h permet de voyager les mains dans les poches,
- les contrôleurs sont aux petits soins et font des recherches pour répondre à vos question, vous indiquent quel quai rejoindre pour votre correspondance
Mais qu'en est-il du prix pour le l'usager du train?
Les prix des voyages Shinkansen sont renommés élevés et même exorbitants en tarif normal hors tourisme et c'est bien la critique que l'on fait habituellement après une privatisation.Note : Un pass accessible aux touristes étrangers depuis leur pays est même disponible pour ne pas pénaliser une envie de voyage au japon.
Le billet de train SNCF est-il finalement tellement moins cher à l'achat que le japonais?
J'ai choisi de comparer les tarifs français et japonais sur deux distances équivallentes :Tokyo-Kyoto et Paris-Strasbourg ,(voire Paris Lyon)
- Distance comparable à 8% près
- Durée de voyage comparable : de 110 à 130 minutes : SNCF plus rapide 1h48 au lieu de 2h10) et
- Surprise : les prix sont très similaires :105 euros au japon, 90à 103 euros Sncf sur une date prise au hasard en voyageant le matin , en réservant un mois à l'avance.
- Un mois à l'avance, sur un Paris Lyon,l a Sncf marque davantage d'économie alors que le prix est fixe au japon. Partir au dernier moment n'est pas pénalisé.
- Un mois à l'avance, la Sncf propose des 1ere classes plus intéressantes mais seule la place d'assise est
améliorée : toujours aucun service amélioré en personnel, nettoyage, conseil, ponctualité (ben, c'est le même train !).
-
Le TGV français est devenu pratiquement aussi cher que le Shinkansen japonais en restant déficitaire en service à bord, personnel, propreté, calme, ponctualité, facilité et sécurité des bagages,
L'argument du prix s'est effondré et chacun a bien remarqué les tarifs Sncf exorbitants proposés en achat normal en Oui TGV. Et les tarifs français appliqués continuent de creuser un déficit annuel très élevé à la charge de tous.
TER : En évitant le tout TGV imposé par les sites SNCF, on peut avoir accès aux TER en vitesse normale mais, pour les avoir utilisés, je peux dire que les trains régionaux japonais enfoncent aussi le TER français.
RER : le tarif des RER est en revanche beaucoup plus intéressants pour le voyageur français mais qui osera dire que la ligne B faisant la liaison Paris-Aéroport Charles de Gaulle offre aux touristes arrivant une expérience accueillante de la France : 0 place bagages, discussions tonitruantes, chahuts des noceurs partant faire la fête en ville, ponctualités déficiente, trains annulés, personnel sur les quais à Roissy méprisants et ignorants des horaires, affichage en gare de Roissy incompréhensible, places étriquées et bagages à surveiller à chaque arrêt, des changements de quais permanents, un manque de personnel en gare et en trains...
Non, la politique du tout TGV n'a pas permis des voyages rapides à bas prix et en servant réellement l'usager dans de bonnes conditions, les cheminots pourraient de nouveau être fiers de leur métier.
Et les cheminots français, sont-ils trop favorisés par leur statut actuel?
Les cheminots français auraient peut-être à gagner en passant du coté obscur d'une privatisation : En 2010, les conducteurs de trains japonais gagnaient en moyenne 75 000 $ par an et ceux de Shinkansen 85 000$ par an.( Pour référence, les conducteurs de métro tokyoïtes gagnent aujourd'hui 94 000 $ par an.( 5000$ par mois en début decarrière, 8500$ par mois en fin de carrière).
AlainL.
Sources :
- https://b.marfeel.com/amp/www.contrepoints.org/2018/04/07/313507-japan-railways-un-exemple-pour-la-sncf
- http://www.jnsforum.com/community/topic/4681-becoming-a-shinkansen-driver/
- https://www.salaryexpert.com/salary/job/subway-train-driver/japan/tokyo-city
verbatim :
Avant
1987, les chemins de fer japonais connaissaient les mêmes problèmes que
la SNCF. Aujourd’hui Japan Railways est considéré comme l’un des
réseaux les plus performants du monde. Comment ont-ils fait ?
Par Alain Mathieu.
Avant
1987, les chemins de fer japonais connaissaient comme chez nous des
grèves à répétition déclenchées par des syndicats refusant toute
réforme, des effectifs pléthoriques, des avantages sociaux exorbitants,
notamment pour les retraites, des pertes considérables financées par
d’énormes subventions et une dette gigantesque.
Leur situation est maintenant la suivante, comparée à celle de la SNCF :
En 1987, les actifs de la compagnie JNR (Japan National Railways), gérée par l’État, ont été répartis entre sept compagnies :
Un tiers de la dette de JNR a été reprise par les trois compagnies de Honshu, les deux tiers étant conservés par l’État.
Quelques mythes sur la privatisation des chemins de fer au Royaume-Uni
Pour décider la fermeture de lignes, un critère a été établi, selon lequel les compagnies peuvent envisager de fermer une ligne, dès lors qu’elle n’assure pas le transport de 2.000 personnes par jour. Lorsqu’une compagnie refuse d’exploiter une ligne non rentable, trois solutions sont envisageables :
—
Le
passager-kilomètre est une unité de mesure de quantité de transport
correspondant au transport d’une personne sur un kilomètre. ↩ Leur situation est maintenant la suivante, comparée à celle de la SNCF :
- nombre de passagers-kilomètres1 transportés par an : 260 milliards (SNCF : 84) ;
- effectifs employés : 128.000 (SNCF : 149.000) ;
- nombre de passagers-kilomètres par employé : 2 millions (SNCF : 0,6 million) ;
- trains en retard de plus de 5 minutes : 2 % (SNCF : 20 %) ;
- subventions publiques d’exploitation : 0 (SNCF : 14 Md€ par an, soit 730 euros pour chacun des 19 millions de contribuables à l’impôt sur le revenu) ;
- nombre annuel moyen depuis 10 ans de jours de grève par agent : 0 (SNCF : 1,5).
En 1987, les actifs de la compagnie JNR (Japan National Railways), gérée par l’État, ont été répartis entre sept compagnies :
- trois dans l’île principale de Honshu (JR West, au Sud-ouest d’Osaka ; JR East, au Nord de Tokyo et JR Central, qui gère le Shinkansen (TGV) entre Tokyo et Osaka) ;
- trois dans trois autres îles (Kyushu, Hokkaido, Sikoku) ;
- et une chargée du fret.
Un tiers de la dette de JNR a été reprise par les trois compagnies de Honshu, les deux tiers étant conservés par l’État.
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Rentables sans subventions
Les actions des trois compagnies de l’île principale de Honshu et de celle de Kyushu ont été progressivement vendues par l’État. Ces quatre compagnies, cotées en Bourse, sont rentables sans subventions. Grâce à ces ventes d’actions, l’État a pu rembourser une partie des deux tiers de la dette. L’État reste propriétaire des autres compagnies, contrôle les tarifs et les fermetures de lignes.Pour décider la fermeture de lignes, un critère a été établi, selon lequel les compagnies peuvent envisager de fermer une ligne, dès lors qu’elle n’assure pas le transport de 2.000 personnes par jour. Lorsqu’une compagnie refuse d’exploiter une ligne non rentable, trois solutions sont envisageables :
- la disparition pure et simple de la liaison ;
- le transfert à un autre mode de transport, par exemple l’autobus ;
- enfin la reprise de la ligne par la collectivité locale concernée.
En 1997, soit dix ans après cette transformation, une mission parlementaire française avait remis un rapport d’évaluation qui est toujours d’actualité. En voici quelques extraits :
La dégradation de la situation de l’entreprise publique (avant 1987) s’explique notamment par le poids de l’État dans la gestion de l’entreprise, par la réalisation d’investissements dictés par des considérations plus politiques qu’économiques, enfin par l’existence de relations sociales très détériorées au sein de l’entreprise.
Les négociations avec les syndicats étaient menées directement par le Gouvernement. Les syndicats détenaient alors des pouvoirs considérables, leur accord étant indispensable pour les changements de postes de personnel ou pour la mise en service de trains supplémentaires. De grandes grèves périodiques ponctuaient la vie du groupe JNR […].
Les performances des compagnies d’exploitation ont été sensiblement améliorées depuis la réforme de 1987, dans le domaine de la qualité de service comme dans celui de la gestion.
En ce qui concerne la qualité de service, la priorité a été donnée à la sécurité. Le nombre des accidents a diminué de 50 % et de 70 % sur les passages à niveau.
La grande qualité du service
La compagnie JR East a doublé le montant des investissements destinés à la sécurité. Elle s’est en particulier dotée d’un nouveau système de freinage automatique (ATS-P), plus performant que celui introduit dans les années 1960 à la suite d’un grave accident […].
La qualité du service a été nettement améliorée, qu’il s’agisse de la ponctualité, de la sécurité et de la vitesse des trains, ces améliorations ayant entraîné une nette augmentation du nombre de passagers. Des investissements importants ont été effectués en matière de signalétique, de billettique et d’augmentation de la fréquence des rames […].
Le découpage du réseau en entités régionales semble avoir créé un dynamisme qui n’existait pas dans les années précédant la réforme.
En termes de tarifs, il semble que la réforme ait conduit à une grande stabilité des prix pratiqués par les sociétés. Le relèvement des tarifs est d’ailleurs l’un des derniers domaines sur lesquels l’État exerce un contrôle strict. En pratique, on n’a assisté à aucune hausse des prix depuis 1987 tout au moins sur l’île de Honshu. La société JR East a récemment annoncé qu’elle n’augmenterait pas ses tarifs au cours des dix prochaines années.
Les entreprises issues des JNR ont toutes entrepris une politique de diversification de leurs activités afin d’améliorer leur rentabilité. Ainsi, la société JR East, plus important opérateur du Japon, a développé des activités commerciales dans les gares (stands, restaurants, cinémas). Elle a également exploité les possibilités offertes par le réseau pour promouvoir des activités de loisirs (hôtellerie en particulier). Elle tire en outre une part très importante de ses bénéfices de l’exploitation des espaces publicitaires situés
dans les trains, dans les gares ou sur le réseau. Elle a même créé des stations de ski, naturellement desservies par son réseau ferroviaire […].
Sur quelques lignes seulement, les sociétés du groupe JR sont concurrencées par des compagnies privées qui existaient avant la réforme, mais ces sociétés disposent de leur propre réseau, de sorte que les questions d’accès au réseau ne se posent pas […].
La réforme a entraîné néanmoins la disparition de 74.000 emplois. De nombreux salariés ont pris une retraite anticipée, certains ont fait l’objet de reclassements dans le secteur public. Enfin, 8.000 ont été confiés à l’organe chargé du règlement de la dette des chemins de fer, la JNRSC, pour recevoir une formation pendant trois ans.
Même pour les syndicats, la réforme fut un succès
À l’issue de cette période, la plupart ont retrouvé une activité. 1.400 personnes ont néanmoins refusé toutes les solutions qui leur étaient proposées et ont été licenciées.En septembre 2014, l’ex-président du gestionnaire des infrastructures SNCF Réseau, Jacques Rapport, et des représentants de la SNCF se sont rendus au Japon dans le but de « chercher des idées ». Ils en ont conclu que le réseau ferroviaire japonais est « le plus performant du monde ».
Les représentants des syndicats considèrent aujourd’hui que la réforme a été un succès. Ils font valoir qu’avant cette réforme, ils agissaient pour obtenir des avantages comparables à ceux dont bénéficiaient les employés des petites sociétés privées et que cet objectif a été atteint, voire dépassé aujourd’hui.
Les salariés ont perdu le bénéfice du régime spécial de retraite dont ils bénéficiaient. Les anciens employés du groupe JNR ne bénéficient du régime spécial que pour la partie de leur carrière effectuée avant 1987 et sont, comme les nouveaux recrutés, affiliés depuis au régime général. Les représentants des syndicats estiment aujourd’hui que cette évolution était inéluctable, le régime spécial de retraite étant en faillite.
Malgré l’atmosphère très passionnelle dans laquelle a été opérée la réforme du système ferroviaire japonais, les relations sociales paraissent donc apaisées aujourd’hui.
La réforme, si elle a conduit à la perte de certains avantages pour les salariés, n’en a pas moins eu des effets bénéfiques, puisque la durée du temps de travail est en cours de diminution et que les salaires ont fortement augmenté dans certaines sociétés. Au sein de la compagnie JR East, les salaires sont passés de l’indice 100 en 1987 à l’indice 147 en 1996.
En définitive, on a le sentiment que la modération des organisations syndicales aujourd’hui s’explique à la fois par une perte d’influence (même si 90 % des salariés sont
syndiqués) et par les avantages qu’ont pu retirer de la réforme les employés des nouvelles sociétés.
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