Mais il ne mentionne pas combien nos connaissances qui portent le même prénom nous apparaissent parfois comme ayant des caractéristiques de caractère communes. Ni comme nous retrouvons chez ceux qui ont notre prénom des similarités avec notre perception de
nous-mêmes. Ou au contraire, combien certains sont désireux de changer leur prénom quand ils se présentent à autrui pour se montrer différemment ou simplement parce qu'ils ne se sont jamais reconnus dans leur prénom.
De l 'art de la dissimulation pour progresser dans sa vie sociale ou professionnelle.
De sa sonorité à sa connotation, les preuves de l’étonnant impact de votre prénom sur votre vie
Attribuer
un prénom à son enfant est loin d'être un acte anodin, il pourrait même
s'agir d'une forme de stratégie sociale si l'on en croit une étude
américaine publiée par PBS Digital Studios. Notre prénom aurait une
influence non seulement sur notre comportement mais aussi sur notre
parcours professionnel.
De manière générale, le prénom d’un enfant exprime le désir
des parents, et leur l’ancrage social et culturel. Les phénomènes de mode
inspirent également leur choix. L’enfant naît et s’inscrit dans un
environnement déjà structuré par la langue, les stimuli et l’environnement qui
fondent sa personnalité et son identité. Par son autonomisation acquise au fil
du temps, il pourra faire ses propres choix : donner du sens à son prénom,
l’habiter, le porter avec fierté, ou au contraire le rejeter et en changer
comme signe d’une appartenance choisie ou dans un souci de se démarquer de ses
origines.
Le prénom est un élément majeur de notre être au monde,
l’émergence d’une entité propre et reliée à son histoire. Il influence donc
notre vie dans tous les domaines, dans le regard et l’estime qu’on lui (se)
porte et par l’image sociale qu’il renvoie.
Le délit de prénom
Dans les cas cités par l'étude publiée par PBS Digital
Studios' BrainCraft (Plus de Philippe chez Philips Morris ou encore plus de
Louis dans la société St Louis, voir résultats ici), il peut s’agir d’un
paternalisme professionnel qui peut mettre en confiance, de critères de
sélection plus subjectifs, comme si s’appeler comme le dirigeant d’une société
ou l’entreprise éponyme pouvait garantir un plus grand engagement de l’employé
dans son travail ! De la même manière, choisir une entreprise qui porte le même
prénom que soi peut, inconsciemment ou pas, être valorisant y compris par
rapport aux autres. Des employés prénomment parfois leur fils comme
l’entreprise qu’ils apprécient et ces derniers y feront carrière comme leur
père.
Les employeurs sont sensibles aux prénoms de leurs employés
dans la mesure où ils révèlent un niveau de classe, d’éducation, un milieu
socioculturel et peuvent les rassurer, selon les cas. Mais ils sont sensibles
aussi à l’origine des demandeurs d’emploi. On a pu constater des délits de
prénoms, pour des personnes dont le poste était quasiment acquis via leur CV
anonyme, mais qui se sont vues refuser un poste qui leur était pratiquement
acquis quand leur prénom d’origine étrangère a été dévoilé !
Les prénoms qui rendent beau
Les sonorités d'un prénom ont une influence sur l'attrait
physique d'une personne. C'est ce que révèle une étude en 2004 d'Amy Perfors
citée par Nicolas Guéguen dans son ouvrage Psychologie des prénoms (Dunod). La
chercheuse en sciences cognitives au MIT à Boston a sélectionné 24
photographies de visages d'hommes et de femmes de 24 à 27 ans. Celles-ci ont
été proposées à des internautes d'un site de rencontres américain. Il leur a
été demandé d'évaluer la beauté physique de chacun des portrait. Les résultats
de l'expérience ont montré que pour un même visage, l'estimation de la beauté
variait en fonction du prénom qui lui était accolé. L'étude des sonorités a
établi que les prénoms masculins provoquent un attrait physique plus grand
s'ils contiennent des voyelles en avant (Dave, Graig,...) que s'ils sont
associés à des voyelles en arrière (Luke, John,...). Pour les femmes, c'est
l'inverse qui se produit. Les Laura ou Julie auront plus de chance d'engendrer
une évaluation physique positive que les Amy ou Jill. Cette expérience montre
que l'harmonie des sonorités d'un prénom influencent la façon dont les autres
vont nous percevoir et interagir avec nous. Un prénom harmonieux provoquera une
sympathie spontanée et un attrait physique plus élevé.
Le choix du prénom limite les perspectives d'évolution
sociale.
Les prénoms prennent racine à la fois dans les héritages
familiaux (appeler son enfant comme un des grands-parents décédés) la culture
populaire (les "héros" à la mode, adulés par les parents…) les
référents traditionnels (les prénoms bien français comme Louis, Jules, Jean, Paul…),
les grands classiques inspirés de la mythologie (Ulysse, Pénélope, Hyppolite…),
l’exotisme, pour marquer l’origine familiale ou le désir d’originalité etc.
C’est dire que choisir des prénoms pour ses enfants est d’une grande
responsabilité. Les prénoms reflètent à la fois des affects, le besoin de
transmission, des valeurs, de la distinction ou le besoin d’appartenance, ses
propres désirs… Sachant que les adolescents ou les adultes n’auront pas
forcément envie de s’identifier aux fantasmes et projections de leurs parents.
Le risque de s’appeler aujourd’hui Kévin ou Jennifer est d’être identifié à une
appartenance culturelle reflète d’une mode éphémère, contrairement aux prénoms
classiques, bourgeois, inscrits dans une histoire, enracinés, rassurants…
Le prénom trahit l'origine sociale
Les choix des prénoms s’inspirent aussi des évolutions
sociétale générales. Aujourd’hui, notre besoin de valeurs sûres et
d’affirmation culturelle poussent à choisir des prénoms "fondateurs"
et porteurs de sens, comme ceux issus de l’Ancien testament (Sara, Abigaël,
Nathan, Gabriel(le), Lazare…), ou rétro et très français (Léo ou Léon, Marcel,
Louise, Gaspard), ou pour les nostalgiques identitaires, reliés à leurs régions d’origine. Le succès
de films ou de roman, comme Madame Bovary – grand classique - a donné un lot de
Emma fort à la mode. Il est vrai que la mode des prénoms reflète souvent les
catégories sociales, mais aujourd’hui les repères se brouillent : un
"Marcel" peut être autant urbain/bobo que rural/traditionnel, un
Jacques peut avoir 70 ans ou valoriser une jeune maman en quête d’originalité
(mais les Raymonde ne sont pas encore dans le top 10 des prénoms féminins !) Et
n’oublions pas l’importance des sonorités et du "design sémantique"
des prénoms.
Le prénom comme stratégie sociale
Les deux hypothèses – marquer ou masquer l’appartenance –
sont possibles mais montrent en soi le besoin de se rassurer face à un statut…
ce qui révèle une fragilité, un manque d’enracinement ou un décalage entre sa
catégorie d’origine et celle vers quoi l’on tend. Il s’agit toujours de la
question de savoir ce que l’on désire dans le choix du prénom : la réalisation
optimisée de la propre vie des parents ou de celle de l’enfant ! Ce qui montre
les limites d’une « stratégie » de convenance sociale car l’effet boomerang est
possible. Le dévoilement de cette stratégie se fera (ou pas selon les cas) car
le vocabulaire, la gestuelle, le niveau culturel… qui pourront « trahir »
l’ancrage social parental ! Mais aujourd’hui les origines culturelles ne
signent pas à elles seules l’identité acquise des individus. Une histoire drôle
et juste illustre bien le propos et : quelle est la différence entre un ouvrier
et un médecin ? Une génération !
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